• Extrait N°6 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureLes années passaient et personne ne s’occupait plus de cette maison hormis Odette qui vivait au rez-de-chaussée avec son mari et sa fille. Les cinq sœurs étaient de plus en plus dans la misère, chacune dans son chagrin et pratiquement sans contact vues les distances qui les séparaient. Elles se débrouillaient comme elles le pouvaient, sans repère. Pour ses études d’ethnologie, Bout de Chou fut envoyée en Corse. Elle vivait dans une famille de meuniers. Anaïs rencontra un pâtissier qu’elle épousa pour divorcer un an plus tard alors que son deuxième enfant n’avait que trois mois. Elle avait enfin touché sa part d’assurance-vie à sa majorité. Son mari se révéla être un vrai panier percé et très vite, l’argent fut dilapidé alors qu’il aurait de toutes évidences dû être investi dans la maison. Quant à Bout de Chou, elle sema le trouble chez ses logeurs en ayant une aventure avec le meunier père qui divorça pour l’épouser. Elle, qui avait toujours caché cette somme d’argent importante en faisant des heures de ménage dans une entreprise, investit beaucoup dans le moulin, tant physiquement que financièrement. Elie eut trois enfants, là-bas, au fin fond du Berry où elle vivait assez marginalement dans une vieille ferme qu’elle avait achetée, malheureusement aux deux noms : celui de son ami et elle-même alors que lui n’avait pas apporté le moindre centime. Elle se privait de bien des choses car son concubin écolo était très strict, surtout envers elle. Violette était mariée avec son mexicain et menait une belle vie de sénateur. Rose acheta une petite maison en banlieue parisienne. Toutes divorcèrent ou se séparèrent, élevant seules leurs enfants respectifs et sans aucune aide. Il était utopique d’espérer quoi que ce soit de la famille. Décidément le sort s’acharnait ! Toutes luttaient pour survivre le plus correctement possible. La seule qui n’ait pas eu d’enfant était Bout De Chou, son meunier étant d’un quart de siècle son aîné. Elle souhaita divorcer et fut obligée de fuir sur le continent, se rapprochant ainsi d’Anaïs qui lui trouva un logement décent. Avant de se rendre en région parisienne, elle avait demandé refuge à son tuteur. Son meunier la retrouva et fit les 1000 km avec la ferme préméditation de l’assassiner car il ne se voyait pas finir ses vieux jours tout seul. Il l’égorgea comme on égorge les moutons dans la montagne Corse. Dans la nuit du 8 au 9 avril 1983, Bout De Chou décéda, à 4h précisément. Elle avait 28 ans. Les quatre sœurs restantes durent subir l’atrocité du procès qui vous remet les photographies sous le nez, trois ans après le meurtre, sans oublier la reconstitution, l’autopsie, etc… enfin toute cette lourdeur de la justice en France. Il y avait décidément une tenace malédiction sur cette famille et toutes se demandaient « à qui le tour maintenant ? »

    Au bout de 25 ans après avoir renoncé à la succession, Elie reçut un courrier des affaires domaniales qui lui stipulait qu’elle pouvait désormais, avec ses sœurs, accepter à nouveau la succession, le délai étant devenu caduc. C’est la loi. Rose et Anaïs entamèrent les démarches, assez compliquées comme tout ce qui est administratif en France. Les affaires domaniales confièrent le dossier à un généalogiste. Elie était totalement opposée à cette démarche mais ne put rien faire, l’action était déjà engagée. Après de longues recherches pour voir s’il subsistait des créanciers, le généalogiste se servit bien en honoraires et seule Rose toucha son chèque. Plus qu’agacée et doutant des pratiques de Rose, Elie prit la route et se pointa à l’improviste chez le généalogiste. Elle squatta jusqu’à ce qu’il lui remette les trois chèques restant dus. Chacune toucha donc sa part, de ce qu’il restait… quelques pouillèmes qui ne leur permirent même pas de solder leurs dettes respectives. Elie avait bien raison : elles n’avaient pas besoin d’un spécialiste pour faire cette besogne, surtout qu’il omit de prendre en compte la maison de Saorra. Rose et Anaïs prirent contact avec le notaire de famille à Vernet-Les-Bains et ouvrirent le dossier pour régler enfin la succession de la maison. Des années de recherches en tous genres, des documents très difficiles à obtenir, des coups de fil, beaucoup de temps pour tourner en rond et ne pas avancer d’un chouia. A chaque fois qu’Anaïs pensait avoir soldé le dossier, Rose trouvait un nouvel argument à vérifier. Elle fit ainsi trainer l’affaire pendant de longues années, ce qui engendra des disputes entre les sœurs, des suspicions… Plus personne n’arrivait à se mettre d’accord et Violette, de son Mexique, ressassait le passé. Anaïs, convaincue que Rose faisait trainer car elle savait très bien qu’il faudrait payer le notaire, baissa les bras, ne voyant comment une issue favorable pouvait être possible et ne contacta plus le notaire. De là… silence radio ! Et les années s’écoulaient… A cette période des plus chaotiques, Anaïs se confia un peu à une très bonne amie rencontrée en Auvergne et qui était férue de généalogie. Cette amie lui fit la surprise de se rendre à Saorra lors de vacances en famille et envoya des photographies qu’Anaïs, fièrement, transmis à ses frangines. Elle déchanta bien vite lorsqu’Elie, jouant toujours les détectives, sema la pagaille s’imaginant je ne sais quel scénario. Ce fut un long interrogatoire « Qu’est venue faire cette fille à Saorra ? Dans quel but ? » Anaïs n’en croyait pas ses oreilles. C’est pour vous dire à quel point la mésentente était profonde. Jalousie ??...

     

    à suivre !


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  • Extrait N°5 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureLeur mère étant constamment en province pour ses rendez-vous d’affaires, Bout de Chou et Anaïs étaient livrées à elles-mêmes. Bout de Chou fréquentait des amis artistes peintres ou musiciens et poursuivait ses études avec sérieux. Anaïs était toujours aussi éprise de liberté et préféra se promener rue du bac à Paris plutôt que de passer son baccalauréat. Elle avait pris la poudre d’escampette. Quand elle annonça à sa mère qu’elle n’était pas allée à l’épreuve, ce fut une scène terrible « Je te souhaite de travailler en usine toute ta vie, tu comprendras ». C’est effectivement ce qu’Anaïs fit. Elle voulait prouver qu’on n’a pas besoin d’un diplôme pour réussir. Soit, elle y est arrivée mais au bout de combien d’années de sueur ! En attendant, elle trainait au quartier latin avec des hommes pas très catholiques, chevelus et jouant de la guitare. Elle ne rentrait plus chez elle et suivit ses copains en auto-stop pour un séjour en Angleterre. Elle n’avait prévenu personne hormis Bout de Chou et ne se rendait même pas compte qu’elle était en fugue. Emma était en grand désarroi et cherchait sa fille partout. C’est la police anglaise qui la retrouva et la rapatria à Paris. Anaïs réalisa alors le chagrin qu’elle avait infligé à sa mère et s’en mordait les doigts mais ce qui est fait, est fait. Elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle continua cependant à fréquenter le quartier latin et tomba enceinte. Elle ne dit rien à personne, se dispute avec son mec et se retrouve seule. Enceinte de huit jours seulement, le téléphone sonne à nouveau : Emma a eu un grave accident de voiture dans le nord. Elle est à l’hôpital de Lille. Anaïs est en cours de passer son permis de conduire et les grandes sœurs sont loin. Tout le monde rentre à Paris. Anaïs se rend à Lille en auto-stop, au chevet de sa mère. Chacune se débrouille comme elle peut pour faire ces allers-retours, c’est dramatique. Emma malgré une trachéotomie parvient quand même à mentionner un papier important dans la poche de son manteau. Ce papier restera un mystère à jamais. Anaïs et ses sœurs sont persuadées qu’elle a été victime d’un complot dans ce monde de requins au sein duquel elle brassait des fortunes. Elles n’ont jamais pu le prouver. Emma agonisa pendant trois longues semaines après des périodes de coma. La seule esquisse de sourire qu’on lui vit fut quand Anaïs lui annonça qu’elle avait réussi son permis. Trois semaines de souffrances après une vie de malheurs, Emma décéda laissant cinq enfants dont deux mineures.

    Elle occupait un logement de fonction place du marché Saint Honoré à Paris où Bout de Chou et Anaïs vivaient. Rose solda avec succès les dossiers en cours et réussit à régler l’assurance-vie dont la dernière échéance n’avait pas été payée, les cinq secrétaires se retrouvèrent au chômage. Et voici, lorsque la vie s’arrête, les comptes aussi. C’était l’heure du bilan financier : il y avait plus de passif que d’actif et des créanciers aux dents longues. Anaïs et Bout de Chou étant mineures, un conseil de famille eut lieu pour désigner un tuteur. Personne ne voulait prendre cette responsabilité sauf Elie mais sa demande fut rejetée, certainement parce qu’elle était trop jeune. C’est donc le frère de Nannot qui fut désigné d’office à son grand désespoir. Voici l’amour d’un oncle envers ses nièces… Certainement effrayé par les sommes d’argent qu’Emma brassait et ne connaissant pratiquement rien de ses divers placements, il proposa de refuser la succession, ce qui fut adopté par le conseil. C’était se débarrasser vite fait bien fait des éventuels aléas. Heureusement que Rose avait sauvé l’assurance-vie. Les trois grandes touchèrent leur part. Quant aux deux plus jeunes, le tuteur en herbe leur envoyait royalement 300 francs par mois pour leur survie. Les scellés furent sitôt posés sur l’appartement de fonction. Bout de Chou revenant de l’école ne se démonta pas et les arracha. Ben oui ! Où serait-elle allée dormir ainsi qu’Anaïs en ce mois de novembre déjà bien froid ? Le lendemain matin, elles furent délogées par la police et se retrouvèrent à la rue, sans argent ou si peu. L’oncle habitant à 900 kilomètres n’en n’avait cure et ne souhaitait pas du tout accueillir ses nièces chez lui, ce qui était réciproque d’ailleurs. Elie faisait ses études à Rouen et logeait dans une toute petite chambre d’étudiant à l’université, Rose était en stage de patinage artistique en Espagne et Violette vivait à Mexico. Anaïs fut hébergée par un ami près de la place de la République à Paris et Bout de Chou partagea avec des copains un taudis sous les toits, près de la place Blanche et non loin du fameux Moulin Rouge. Ce n’était pas le meilleur quartier mais il fallait bien se débrouiller. Elles se voyaient régulièrement. Anaïs était de plus en plus enceinte. Son ami prenait soin d’elle et lui trouva un petit studio « coquet » comme on dit dans les annonces immobilières, au fond d’une cour face aux Buttes Chaumont. Bout de Chou continuait d’aller au lycée. Elle avait des fréquentations mâles assez louches et Anaïs tremblait toujours pour elle mais paumées pour paumées, elles se pardonnaient tout. Par bonheur, Bout de Chou réussit son baccalauréat et partit à l’université d’Aix en Provence. C’était déjà plus rassurant ! Anaïs accoucha prématurément d’un joli petit garçon et par je ne sais quelle opération du Saint Esprit, sa sœur Elie fort intuitive, vint lui rendre visite à l’instant « T » alors qu’Anaïs ne l’avait pas prévenue. Aux Buttes Chaumont, on lui indiqua qu’une ambulance était venue la chercher. Elle comprit de suite, oui, mais vers quel hôpital l’ont-ils dirigée ? Elle n’avait aucun moyen de le savoir et mena son enquête comme un vrai détective. Miracle, oh miracle : à peine Anaïs avait-elle donné la vie qu’on lui annonça une visite. « Qui donc peut bien être là ? Je n’ai prévenu personne » Eh voici, Elie entra dans la salle de travail. Comment expliquer cette invasion de bonheurs soudains ? Elie prit en charge sa petite sœur, contacta une association qui lui trouva un logement décent en banlieue parisienne. A sa sortie d’hôpital, on lui remit les clefs de ce petit paradis avec balcon s’il vous plaît ! Elle n’avait plus qu’à trouver du travail et une nourrice.

    Adieu donc la belle maison de Saorra ou presque : Bout de Chou, toujours très gonflée, programma une petite virée là-bas avec des copains/copines dont cette chère Mumu. Ils débarquèrent en auto-stop un soir d’hiver. Il n’y avait bien sûr ni eau, ni électricité, tout avait été coupé. Avec un réchaud à gaz et quelques pommes ramassées dans les champs, ils se firent une délicieuse compote qu’ils partagèrent, emmitouflés dans des duvets. Ils ne restèrent que quelques jours mais Bout de Chou avait comblé là un manque certain. Elle et Anaïs galéraient toutes deux à Paris alors que n’y connaissant rien à la loi, elles pensaient ne plus avoir aucun droit sur cette maison et pour cause !  Leurs parents n’avaient pas eu le temps de leur enseigner toutes ces choses qui permettent de se défendre dans la vie ! En fait elles étaient héritières tant que l’état ne s’en mêlait pas, ce qui était le cas. Elie aussi y promena ses guêtres à plusieurs reprises, avec une de ses filles. Toutes deux entreprirent de nettoyer la maison et de remettre en état le bassin dans le jardin qui accueillait une source naturelle venue directement de la montagne. Un petit trésor de la nature à préserver absolument...

     

    à suivre !


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  • Extrait N°4 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureC’était assez surprenant vu que ce genre de demande n’émanait jamais d’elle. Anaïs ne se fit pas prier longtemps et souhaita que sa mère fasse suivre son Honda P50 rouge et blanc, en bagage accompagné. Ainsi elle se sentirait libre d’aller et venir à sa guise, les cheveux au vent. Sitôt arrivée, le frère de Christian revint à la charge mais Anaïs restait de marbre. Elle le revit cependant et ils purent discuter sereinement. Christian avait quitté l’armée et ne sortait plus de chez lui tant le chagrin le minait. Elle lui expliqua qu’elle n’était pas prête pour le mariage, qu’elle était trop jeune et avait envie de profiter de la vie. Il n’en prit pas ombrage, ce brave homme au cœur sincère. Il l’aimait tant qu’il acceptait le sacrifice. Le séjour se passait plutôt bien entre les cours de piano et les virées sur la pétrolette. Mamette faisait souvent venir le médecin, plus qu’à l’ordinaire mais vu son grand âge et les multiples opérations qu’elle avait subies tout au long de sa vie – ah oui ! Tous les dimanches, elle ratait la marche au sortir de l’église et bien souvent, c’était clavicule ou côtes cassées - Anaïs ne s’alarmait pas. Peut-être que Mamette avait besoin de compagnie ? D’ailleurs, dans un élan de générosité, elle avait vendu le rez-de-chaussée de la maison à un couple d’amis. Cela mettait un peu d’ambiance malgré le fichu caractère de leur fille qui n’aimait pas Saorra. Anaïs n’appréciait pas ces nouveaux venus. Couper ainsi la maison détournait le patrimoine de sa vocation familiale. Ce rez-de-chaussée était du temps des arrière-grands-parents, un bistrot. Cette maison a tout un vécu, une histoire depuis sa construction en 1904 environ. Mamette passait de longues heures à bavarder avec Odette sur la place du village. A l’arrière, il y avait une famille de commerçants épiciers et charcutiers. Lorsqu’ils préparaient leurs triperies, cela embaumait bien comme il faut et comble du bonheur, ils déversaient leurs déchets dans le jardin. Lorsqu’elle était petite, Anaïs ne prêtait pas garde à ce genre de détails mais désormais cela la dérangeait. Décidément, lorsqu’on grandit, nous avons une autre vision du monde. Le voisinage ne l’intéressait plus du tout alors elle se promenait et se promenait encore avec son Honda. On ne la voyait plus beaucoup dans les parages. Un midi, elle eut la surprise de voir sa mère débarquer. Quelle joie ! Elle travaillait tant que les contacts étaient devenus rares et Anaïs cherchait tous les prétextes pour l’accompagner dans ses voyages d’affaires mais il y avait un obstacle béton : l’école ! En fait, Emma était venue faire une visite éclair pour annoncer à Anaïs que Mamette devait se faire opérer d’une hernie et que par conséquent, elle serait seule quelques jours. Oh ! Ce n’était pas un problème, maintenant elle était grande mais bon, c’était bien de la préparer. Sa mère, bien que trop souvent accaparée par son travail, savait bien s’occuper de ses enfants. C’était une femme de grande classe et de grande qualité. Mamette était une habituée des billards, l’affaire serait vite réglée. Emma retourna à ses affaires, persuadée que cette opération serait une broutille. Le lendemain, le taxi était devant la porte et Mamette s’installa à la place du mort. Anaïs les suivrait sur son Honda. Mamette ouvrit bien grande sa fenêtre et prit la main d’Anaïs. Elle avait les larmes dans les yeux « Tu sais, je ne reviendrai pas ». Ce regard était un supplice tant la tristesse était profonde. Anaïs tentait de la réconforter mais en avait gros sur la patate. Mamette, elle si forte, craquait. C’était forcément à prendre avec respect. C’est avec beaucoup d’émotion qu’Anaïs accompagna sa grand-mère jusque dans sa chambre à la clinique de Prada. Elle resta un moment à ses côtés et promit de revenir le lendemain, une fois l’opération terminée. Sa nuit fut assez agitée. En fin de matinée, impatiente, elle courut acheter des fleurs et chevaucha son Honda. Je crois qu’elle n’avait jamais poussé sa pétrolette à si fort régime. Arrivée à la clinique, on lui dit que l’opération s’est bien passée et que Mamette l’attend. Elle grimpe les escaliers quatre à quatre et trouve une mamie en pleine forme, assise sur son lit et mangeant des petits gâteaux. Ouf ! Quel soulagement. C’est qu’elle est costaud la Mamette ! Ravie, Anaïs s’en retourne à Saorra mais déchante bien vite. Odette lui annonce que la clinique a téléphoné : Mamette vient de décéder d’une embolie.

    Voici Emma qui perd son mari en 1965 et sa mère en 1970. Il lui reste bien un frère mais c’est un vrai cauchemar, un ancien d’Indochine. Mamette a toujours été très injuste avec sa fille. Elle chouchoutait le petit frère qui se montrait diabolique. Combien de fois Emma a-t-elle déboursé de grosses sommes pour réparer ses dégâts. Cet ours mal léché a même volé le premier salaire de Violette - sa nièce - alors qu’Emma l’hébergeait. Elle a dû aller jusqu’à Hypothéquer la maison de Saorra et voici, au décès de Mamette, monsieur avait disparu. La succession était impossible à régler sans pertes et fracas. Cette belle et grande maison devenait maudite. Emma devait en plus, libérer l’appartement que Mamette louait à Nice. Elle y vivait six mois de l’année en compagnie d’une amie indochinoise. Elle était drôle cette petite bonne femme et ne jurait que par les vertus du chou. Emma donc, dut vider l’appartement de ses meubles et lingeries, éternellement seule évidemment et gérer l’enterrement de sa mère qui se fit à Nice dans le même caveau que le Grand-père. Des frais, des frais, des frais… l’argent est un fléau dans cette famille. Les recherches pour retrouver le frère restant infructueuses, la maison de Saorra fut mise en vente aux enchères et je vous le donne en mille ! C’est Emma qui racheta son propre héritage. Le patrimoine, du moins ce qu’il en restait, était sauvé...

     

    à suivre !


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  • Extrait N°3 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureDans la lueur de la lune et sous la pluie désormais, Elie entre-aperçoit un petit muret blanc. Ce sont certainement les vestiges d’anciennes canalisations, ça doit mener à un village. Elles décident de suivre ce genre de caniveau en béton et marchent encore des heures durant quand enfin se dessine dans la pénombre ce qu’elles pensent reconnaître être une église. Euréka !  Finis les tracas mais quel est donc ce petit bourg qu’elles ne connaissent pas ? Il n’y a pas un chat dehors, pas âme qui vive et il faut absolument rejoindre Saorra. Elie, qui n’a pas froid aux yeux, frappe à la porte d’une maison éclairée. Un homme apparaît sur le perron et écoute avec stupeur l’incroyable histoire de ces deux jeunes parisiennes. Vous pensez donc ! Isolés en pleine montagne, on n’en croise pas tous les soirs des adolescentes en perdition. L’homme, très gentiment propose de les raccompagner avec sa voiture. Elles n’avaient parcouru que quatre kilomètres et avaient atterri à Thorrent mais par quelles voies endiablées ! Totalement insouciantes, elles ne s’inquiètent pas une seconde de ce qui pourrait leur arriver encore sur le trajet. Elles sont tranquilles et même fières de leur exploit. Lorsqu’elles arrivent sur la place de Saorra, tout le village est là, rassemblé et prêt à entreprendre une battue. L’émoi résonne comme en écho et puis Mamette est en pleurs. Nos petits chérubins n’avaient pas pensé un instant qu’on s’inquièterait pour eux. Les gendarmes font leur rapport, Saorra ce soir, ne dort pas. On en a des choses à raconter et chacun y va de sa verve. Le ton monte et même aussi on extrapole. L’orage se fait sentir. Elie et Anaïs se font toutes petites et partent se coucher sans mot dire et sans maudire. Elles n’ont pas été grondées mais elles ont pris conscience qu’on ne part pas à l’aventure sans prévenir, ni sans matériel. Elles ont compris également tout l’amour qu’une grand-mère peut donner et le mal qu’elles venaient de faire. C’est en toute connivence et comme deux cochons en foire qu’elles garderont ce secret au fond de leurs entrailles.

    A chaque grande vacance, ses joies et ses folies : Elie et Violette goûtaient désormais aux plaisirs des « Motobécanes bleues » sur lesquelles elles s’exerçaient en région parisienne. Elles entreprirent un périple « Paris/Perpignan » et traversèrent ainsi la France par monts et par vaux, à califourchon sur leurs pétrolettes. Anaïs se retrouva donc seule avec Mamette à Saorra, pour la première fois tandis que Bout de Chou profitait de colonies de vacances huppées. Anaïs détestait les colonies de vacances et la vie en société en général Le matin, elle prenait des cours de piano chez une voisine qui logeait près de l’ormeau et parfois son oncle Joseph la menait en jeep au Pica del Canigó, la montagne sacrée des catalans. C’était son métier : il promenait les touristes avec sa super jeep couleur sable, les emmenait visiter le monestir de Sant Martí del Canigó d’où on peut admirer la plaine du Roussillon, puis les invitait à se désaltérer près du belvédère. Anaïs ne se lassait pas de ce pèlerinage aux senteurs et aux couleurs ensorcelantes. Elle occupait le reste de son temps à jouer au babyfoot avec sa bande de copains. Ils se rendaient à pieds à Fullà, longeant l’austère cimetière où ils aimaient se faire peur. Ce n’était plus sport et pêche à la truite mais plutôt jeux de mains, jeux de vilains. Ils grandissaient les mômes ! Quant à la salle des fêtes de Saorra, ils l’avaient transformée en dancing, écoutant du rock’n’roll des heures entières et flirtant sur quelques mélodies bien chaudes. C’est là que Christian s’éprit d’Anaïs… belles, très belles ces vacances puis rebelote, rentrée scolaire et tout son tintouin. La séparation fut assez douloureuse, il n’y avait pas de téléphone portable ni de SMS. Ce furent des lettres et des lettres à la façon Georges Sand, des mots doux à distance.

    Rose, Violette et Elie réussirent leur baccalauréat avec brio. Rose se fit dorloter par sa mère qui lui loua un superbe appartement spacieux à Saint-Maur-des-Fossés. Elle qui avait toujours rêvé d’être fille unique, était comblée loin de ses frangines. Elle prit des cours de patinage artistique et se la pétait bien ! Violette partit faire des études de linguistique en Allemagne, à Kiel plus précisément et y rencontra un mexicain avec lequel elle partit se marier à Mexico. Elie s’orienta nature et sciences et prit une chambre d’étudiant à Rouen. Anaïs et Bout de Chou avaient quartier libre pour profiter de leur jeunesse. Leurs chambres étaient côte à côte avec vue sur le parc Montsouris et leurs goûts fusionnaient. Christian n’en pouvait plus d’être si loin d’Anaïs et s’engagea dans l’armée. Ainsi il avait un solde et pouvait se rendre à Paris à moindre frais mais Anaïs était beaucoup moins sage ! Bout de Chou fit la connaissance d’une famille vietnamienne. Mint ti jouait de la guitare électrique, Mint sou l’accompagnait à la basse et la jolie Mint tam égayait tout ce petit groupe. Bout de Chou fréquentait Mint Sou et se mit à la basse aussi. Anaïs était sous le charme exotique de Mint ti mais ce dernier la voyait à peine. C’est bien connu : lorsqu’on n’obtient pas ce que l’on veut, on s’attache. Et voilà pas que Christian annonce son arrivée prochaine. Anaïs n’a plus du tout envie de le voir, elle a la tête aux antipodes. Sa mère la sermonne « ce garçon est très amoureux de toi, tu te dois au moins de le recevoir correctement ». Soit ! Elle lui réserva un bel accueil. Ils se promenèrent beaucoup à Paris et étaient heureux ensemble. Après tout, pourquoi s’acharner sur Mint ti qui n’en n’avait rien à faire ? Le jour de son départ, Christian était assis en face de sa dulcinée dans l’autobus qui le menait à la gare. Il pleuvait des cordes et la nuit tombait, les lumières de la ville inondaient l’autobus et Anaïs ainsi éclairée se révélait être une grâce aux yeux de Christian qui lui prit doucement la main et la demanda en mariage. Oh la la ! La peur envahit notre petite chérie qui déclina cette avance et s’en retourna chez elle, pas fière du tout. Ce coup-ci, ce n’est pas un sermon qu’elle se prit mais un savon. Sa maman était très en colère. Anaïs s’en est toujours voulu de ce manque de maturité, sa vie eut été toute autre. Cette année-là, elle ne se rendit pas à Saorra mais eut des nouvelles du frère de Christian qui le décrivait horriblement malheureux et la suppliait de revenir mais c’était peine perdue, silence radio. La saga vietnamienne s’essouffla bien vite.

    Bout de Chou et Anaïs s’offrirent quelques délires du style partir en auto-stop et bateau pour aller se faire bronzer un week-end sur les plages de Brighton. Oui oui ! On bronze en Angleterre. Elles aimaient faire la route le pouce en l’air et multiplièrent les escapades. La dernière en date fut d’assister au festival folk de Malataverne dans la Drôme alors qu’on passait Woodstock sur le PO GO. Elles emmagasinaient tous les meilleurs souvenirs à raconter plus tard au coin du feu.

    1970 : pourquoi Mamette tenait-elle si vivement à ce qu’Anaïs revienne passer l’été à Saorra ?

     

    à suivre...


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  • Extrait N°2 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureDevenue presqu’adolescente, Anaïs se rendait toute seule comme une grande, en train couchette dans les Pyrénées orientales, et pour cause ! L’enfance était trop belle… Nannot, son père instructeur pilote se crasha sous les yeux de sa propre mère déjà veuve, avec un élève par un soir de septembre 1965. Elle vit l’avion tomber en vrille puis les membres déchiquetés éparpillés sur le terrain : un bras par-ci, une jambe par-là. Quelle horreur pour cette femme ! La famille était assez aisée et fut une des premières à avoir le téléphone à la maison. On ne passait plus par une opératrice, la liaison était enfin directe. Il était noir ce téléphone au numéro BOSSUET 27 27 et sonna malheureusement pour annoncer la catastrophe. Elie avait rêvé de lapins écrasés un mois plus tôt. Anaïs et ses sœurs virent le corps reconstitué tant bien que mal sous un drap blanc. Seul un petit bout de front était visible avec ses cheveux frisés. Pour le reste on imaginait facilement les morceaux de chair remboîtés tel un puzzle où il manquerait des pièces. A côté de ce lit macabre, gisaient sur une table la casquette blanche, les lunettes de soleil et la fameuse pipe en bois sculpté que Nannot adorait. Ce fut le début d’une série de malheurs dans la famille, on aurait dit une malédiction. La grand-mère paternelle, choquée par l’accident de Nannot développa un cancer et décéda puis ce fut le tour d’une tante jeune et jolie et d’une autre tante et d’une autre tante encore. Chaque année, il y avait un mort, les décès pleuvaient comme vache qui pisse. Emma se retrouva veuve avec cinq filles mineures et sans allocation, ceci n’existait pas encore. Elle se battit entièrement seule contre des murs, à savoir que la succession était bien compliquée. Nannot était propriétaire d’une auto-école et son associé se révéla être un pur escroc. Il est toujours facile de s’attaquer à une femme seule mais elle se défendit comme un chef. Elle travaillait déjà beaucoup et mit les bouchées doubles, prenant d’énormes risques car désormais devenue femme d’affaires, elle était confrontée à un monde de requins mais il y avait cinq petites bouches à nourrir.

    Se rendre en train à Saorra, c’était neuf heures de voyage pour arriver jusqu’à Perpignan au petit matin. Puis il fallait prendre la Micheline rouge et or qui serpentait la montagne. Anaïs aimait beaucoup écouter le roulis du train, qui bien rythmé, l’incitait à jouer du tam-tam sur ses cuisses. Elle se plaisait aussi dans les interminables tunnels où elle imaginait des scènes de cinéma lorsque le noir était entrecoupé de légères lueurs. Silence ! On roule. Elle ne s’ennuyait pas, son cerveau était constamment en pleine ébullition. Fernand servait de taxi à Saorra. C’est donc avec lui que Mamette venait récupérer l’adolescente à Vernet. Ce moment était délicieux. Mamette faisait toujours un détour à la meilleure boulangerie pour acheter les fameuses oreillettes locales, jouxtant la galerie d’art avec ses merveilleux tableaux sur fond de velours. Le retour au village était une fête, le paysage était toujours aussi sublime et cette ambiance de vieilles pierres en arrivant, le pont surplombant la Rotja - très bas de parapet, il ne fallait pas se pencher au risque de se fracasser le museau sur les rochers à plusieurs dizaines de mètres plus bas - le lavoir et ses bavardages, les boulistes et puis Maurice le forgeron. C’était reparti pour deux mois de loisirs qui estompèrent un peu son chagrin. Elie la rejoignit un peu plus tard. Cette année-là, elle avait réussi à convaincre sa petite sœur de troquer les espadrilles contre les chaussures de marche. Point besoin de boussole, Elie joue les Sherlock Holmes, d’ailleurs Violette l’avait surnommée « Eliet Noss » en référence au fameux policier Eliot Ness qui marqua l’Amérique entière et notamment Chicago dans les années 1920. Elle a été scoute et son sens de la débrouille est toujours en éveil. Anaïs lui fait confiance et la suit les yeux fermés. Une bonne nuit de sommeil et les voici fraîches comme des gardons, prêtes à s’aventurer dans la montagne. Elles commencent par traverser le vieux pont puis longent la mairie, passent derrière la salle des fêtes où les maisons se font de plus en plus rares. Rien de tel qu’une petite grimpette vers les hauteurs pour s’aérer un peu. Elie sait qu’il y a par là, quelques vestiges miniers mais il faut marcher encore, s’enfoncer dans la forêt. Il n’y a pas de sentier, aucun repère non plus. Seules quelques pistes non encourageantes peuvent à la limite guider un peu. Tout est si calme ! Seuls les chants des oiseaux et le léger frissonnement des feuillages accompagnent nos joyeuses randonneuses. C’est la promenade à l’état pur, le silence qu’Elie chérit tant. Alors là, dans la montagne, elle jouit de ce calme olympien. Elle craint bien plus les êtres humains que les animaux qu’elle pourrait rencontrer au détour de hêtres ou de sapins. Elle entraîne Anaïs à travers ronces et fraises des bois, l’invite à admirer les jeux d’ombres et de lumières se dessinant sur la flore au gré des rayons du soleil. Toutes les deux gambadent comme des gazelles. Elles grimpent et grimpent encore comme pour atteindre les sommets. Elles se frayent un chemin comme elles le peuvent, se prenant pour Tarzan. Elles sont les héroïnes de leur après-midi et s’inventent des aventures. Elles se piquent à leur propre jeu sans même s’apercevoir que l’épaisse jungle s’assombrit de plus en plus. Bientôt la nuit les surprendra et les plongera dans les mystères du clair de lune. Elles décident de faire une petite pause sur un tronc d’arbre couché à terre. Elles sont repues d’oxygène et de sensations délicieuses. C’est là qu’Elie annonce qu’elle ne sait plus trop bien où elles se trouvent et qu’il va falloir penser à rentrer. Elles n’ont bien évidemment rien emporté : ni lampe, ni petits biscuits et le ciel devient vraiment menaçant. C’est très joli d’ailleurs ce bleu nuit où pointent quelques étoiles. Ah ! L’étoile du nord… les voici sauvées !! Elie change de cap et file droit suivre son astre préféré. Tel un berger conduisant son troupeau, elle pousse de petites exclamations et les voilà à nouveau entrées dans un autre jeu, nocturne cette fois ci. Plus elles avancent et plus elles ont le sentiment de tourner en rond. Anaïs commence à s’affoler un peu et voit toutes sortes de choses étranges aux alentours. Elle se rappelle de cette fresque que son père avait dessinée dans le long couloir de l’appartement, ces yeux brillants au milieu d’une forêt vierge. Elle avait tellement peur de traverser cette jungle pour arriver à la salle à manger ! Elle se revoit parcourant ces quelques mètres à la vitesse grand « V » et n’a plus qu’une envie maintenant : fuir, détaler à qui mieux-mieux. Elle est toute tremblante mais heureusement Elie la rassure. Ah ! L’importance de la grande sœur ! C’est vital...

    à suivre !


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