• Extrait N°2 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écriture

    Extrait N°2 du récit "Un bien pour un mal", en cours d'écritureDevenue presqu’adolescente, Anaïs se rendait toute seule comme une grande, en train couchette dans les Pyrénées orientales, et pour cause ! L’enfance était trop belle… Nannot, son père instructeur pilote se crasha sous les yeux de sa propre mère déjà veuve, avec un élève par un soir de septembre 1965. Elle vit l’avion tomber en vrille puis les membres déchiquetés éparpillés sur le terrain : un bras par-ci, une jambe par-là. Quelle horreur pour cette femme ! La famille était assez aisée et fut une des premières à avoir le téléphone à la maison. On ne passait plus par une opératrice, la liaison était enfin directe. Il était noir ce téléphone au numéro BOSSUET 27 27 et sonna malheureusement pour annoncer la catastrophe. Elie avait rêvé de lapins écrasés un mois plus tôt. Anaïs et ses sœurs virent le corps reconstitué tant bien que mal sous un drap blanc. Seul un petit bout de front était visible avec ses cheveux frisés. Pour le reste on imaginait facilement les morceaux de chair remboîtés tel un puzzle où il manquerait des pièces. A côté de ce lit macabre, gisaient sur une table la casquette blanche, les lunettes de soleil et la fameuse pipe en bois sculpté que Nannot adorait. Ce fut le début d’une série de malheurs dans la famille, on aurait dit une malédiction. La grand-mère paternelle, choquée par l’accident de Nannot développa un cancer et décéda puis ce fut le tour d’une tante jeune et jolie et d’une autre tante et d’une autre tante encore. Chaque année, il y avait un mort, les décès pleuvaient comme vache qui pisse. Emma se retrouva veuve avec cinq filles mineures et sans allocation, ceci n’existait pas encore. Elle se battit entièrement seule contre des murs, à savoir que la succession était bien compliquée. Nannot était propriétaire d’une auto-école et son associé se révéla être un pur escroc. Il est toujours facile de s’attaquer à une femme seule mais elle se défendit comme un chef. Elle travaillait déjà beaucoup et mit les bouchées doubles, prenant d’énormes risques car désormais devenue femme d’affaires, elle était confrontée à un monde de requins mais il y avait cinq petites bouches à nourrir.

    Se rendre en train à Saorra, c’était neuf heures de voyage pour arriver jusqu’à Perpignan au petit matin. Puis il fallait prendre la Micheline rouge et or qui serpentait la montagne. Anaïs aimait beaucoup écouter le roulis du train, qui bien rythmé, l’incitait à jouer du tam-tam sur ses cuisses. Elle se plaisait aussi dans les interminables tunnels où elle imaginait des scènes de cinéma lorsque le noir était entrecoupé de légères lueurs. Silence ! On roule. Elle ne s’ennuyait pas, son cerveau était constamment en pleine ébullition. Fernand servait de taxi à Saorra. C’est donc avec lui que Mamette venait récupérer l’adolescente à Vernet. Ce moment était délicieux. Mamette faisait toujours un détour à la meilleure boulangerie pour acheter les fameuses oreillettes locales, jouxtant la galerie d’art avec ses merveilleux tableaux sur fond de velours. Le retour au village était une fête, le paysage était toujours aussi sublime et cette ambiance de vieilles pierres en arrivant, le pont surplombant la Rotja - très bas de parapet, il ne fallait pas se pencher au risque de se fracasser le museau sur les rochers à plusieurs dizaines de mètres plus bas - le lavoir et ses bavardages, les boulistes et puis Maurice le forgeron. C’était reparti pour deux mois de loisirs qui estompèrent un peu son chagrin. Elie la rejoignit un peu plus tard. Cette année-là, elle avait réussi à convaincre sa petite sœur de troquer les espadrilles contre les chaussures de marche. Point besoin de boussole, Elie joue les Sherlock Holmes, d’ailleurs Violette l’avait surnommée « Eliet Noss » en référence au fameux policier Eliot Ness qui marqua l’Amérique entière et notamment Chicago dans les années 1920. Elle a été scoute et son sens de la débrouille est toujours en éveil. Anaïs lui fait confiance et la suit les yeux fermés. Une bonne nuit de sommeil et les voici fraîches comme des gardons, prêtes à s’aventurer dans la montagne. Elles commencent par traverser le vieux pont puis longent la mairie, passent derrière la salle des fêtes où les maisons se font de plus en plus rares. Rien de tel qu’une petite grimpette vers les hauteurs pour s’aérer un peu. Elie sait qu’il y a par là, quelques vestiges miniers mais il faut marcher encore, s’enfoncer dans la forêt. Il n’y a pas de sentier, aucun repère non plus. Seules quelques pistes non encourageantes peuvent à la limite guider un peu. Tout est si calme ! Seuls les chants des oiseaux et le léger frissonnement des feuillages accompagnent nos joyeuses randonneuses. C’est la promenade à l’état pur, le silence qu’Elie chérit tant. Alors là, dans la montagne, elle jouit de ce calme olympien. Elle craint bien plus les êtres humains que les animaux qu’elle pourrait rencontrer au détour de hêtres ou de sapins. Elle entraîne Anaïs à travers ronces et fraises des bois, l’invite à admirer les jeux d’ombres et de lumières se dessinant sur la flore au gré des rayons du soleil. Toutes les deux gambadent comme des gazelles. Elles grimpent et grimpent encore comme pour atteindre les sommets. Elles se frayent un chemin comme elles le peuvent, se prenant pour Tarzan. Elles sont les héroïnes de leur après-midi et s’inventent des aventures. Elles se piquent à leur propre jeu sans même s’apercevoir que l’épaisse jungle s’assombrit de plus en plus. Bientôt la nuit les surprendra et les plongera dans les mystères du clair de lune. Elles décident de faire une petite pause sur un tronc d’arbre couché à terre. Elles sont repues d’oxygène et de sensations délicieuses. C’est là qu’Elie annonce qu’elle ne sait plus trop bien où elles se trouvent et qu’il va falloir penser à rentrer. Elles n’ont bien évidemment rien emporté : ni lampe, ni petits biscuits et le ciel devient vraiment menaçant. C’est très joli d’ailleurs ce bleu nuit où pointent quelques étoiles. Ah ! L’étoile du nord… les voici sauvées !! Elie change de cap et file droit suivre son astre préféré. Tel un berger conduisant son troupeau, elle pousse de petites exclamations et les voilà à nouveau entrées dans un autre jeu, nocturne cette fois ci. Plus elles avancent et plus elles ont le sentiment de tourner en rond. Anaïs commence à s’affoler un peu et voit toutes sortes de choses étranges aux alentours. Elle se rappelle de cette fresque que son père avait dessinée dans le long couloir de l’appartement, ces yeux brillants au milieu d’une forêt vierge. Elle avait tellement peur de traverser cette jungle pour arriver à la salle à manger ! Elle se revoit parcourant ces quelques mètres à la vitesse grand « V » et n’a plus qu’une envie maintenant : fuir, détaler à qui mieux-mieux. Elle est toute tremblante mais heureusement Elie la rassure. Ah ! L’importance de la grande sœur ! C’est vital...

    à suivre !

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  • Commentaires

    1
    Mardi 19 Décembre 2017 à 11:28

    Ah la micheline, .. cela nous ramène quelques années en arrière .. ton texte est émouvant avec cette balade des deux héroïnes du moment

    2
    Mardi 19 Décembre 2017 à 11:30

    JOYEUX NOËL chère Arielle .

    Gros bisous marseillais , merci de ta visite , à très bientôt de te retrouver après les fêtes .

    Bon bou d'an (en provençal)

    Renée (mamiekéké).

    3
    Jeudi 21 Décembre 2017 à 18:43

    Bonsoir Arielle, j'espère que les filles ont pu trouver le chemin du retour, ou bien ont trouvé de l'aide pour ne pas passer la nuit dehors ? En tout cas, on ne peut pas lâcher ton récit. C'est palpitant. Bisous.

    4
    Samedi 23 Décembre 2017 à 15:34

    Salut,

    Le temps est douix pour un Noël.

    5
    Dimanche 24 Décembre 2017 à 11:00
    Joyeux Noël Arielle à toi et tes proches
    6
    Mardi 26 Décembre 2017 à 16:37

    Salut
    Le temps est humide avec beaucoup de vent.
    Noël s'est bien passé en famille.
    Bonne semaine

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