Ce matin, comme chaque matin  j’ouvre mon ordi et mes mails, et comme je suis cliente des ventes privées, enfin j’étais,  j’aurai pu craquer.

J’aurai pu craquer si ça n’avait pas été la crise, si mon porte monnaie était plein aux as, et mes réserves suffisantes sur mon compte en banque, j’ai vu, de mes yeux vu,  de superbes chaussures à 190 euros au lieu de 290.  Super non !!!  J’ai vu aussi une ribambelle de tops plus craquants les uns que les autres dans les 30 euros au lieu de 100 et plein de trucs d’hivers, ou bien divers. Histoire de me faire passer une journée sensas, dans la joie et la bonne humeur, sans être frustrée le moins du monde. Alors je me suis vengé en prenant la plume pour me calmer.

Bon, j’avais pris la résolution ferme et définitive de ne pas craquer parce que je n’en avais tout bonnement plus les moyens ; je m’étais volontairement censurée. J’avais fait disparaitre mon nom de toutes les ventes privées.  Mais comme j’avais peur que ça me manque trop, j’en avais gardé une petite, une poire pour la soif, une seule pour ne pas mourir idiote, être au courant de ce qui se fait en matière de mode. car même si je suis assez peu la mode, j’aime bien être dans la mouvance locale, ne pas porter du vert caca d’oie, quand le parme est le top du top. Et puis va savoir pourquoi pendant des années, je m’en foutais des couleurs, je n’osais pas m’habiller avec un truc violet bien criard, quand au rose il était exclusivement réservé à la layette ou à ma fille plus tard, quand elle manifestait le désir d’en porter.

J’avais des complexes, même si j’avais vingt kilos de moins et des jambes de rêve, j’avais peur qu’on me distingue de la mêlée  je rasais les murs, je m’habillais de couleurs neutres, pour me fondre dans la nature. Sauf que j’oubliais que la nature, elle ne s’embarrasse pas de préjugés à la con, la nature se moque du bon gout ; La nature est généreuse, elle mélange tout, le jaune poussin et le rouge, le rouge et le rose fuchsia, le vert fluo et l’orange, le bleu turquoise et le gris souris.  Et puis je ne portais jamais de noir, jamais. Parce que noir égal couleur du deuil, un vieux truc ancré dans mes certitudes, un vieux truc hérité de mon éducation judéo-crétine, oui !

Bon vous trouvez que j’exagère, bon je l’avoue j’exagère, mais pas sur les prix, ce sont bien ceux que j’ai vus, je le jure. D’ailleurs vous le savez tous aussi bien que moi. Sauf que je ne suis pas assez folle pour payer des godasses à ce prix là, ça me ferait mal aux pieds, sauf si évidemment,  subitement j’étais devenue riche, et encore…

Vous me direz mais pourquoi te plains-tu alors, alors que tes armoires sont remplies de fringues, que t’as des chaussures en état de marche et de quoi te nourrir presque convenablement et  un toit sur la tête, ça devrait te suffire. Ça devrait. En théorie.

Mais vous, vous savez bien que non, vous les filles, que la tentation est toujours la plus forte, et qu’on aime par-dessus tout, y succomber et regretter après. Pourtant je ne suis pas frivole, loin s’en faut, je l’ai peut être été naguère, quand j’étais jeune et bête, je l’ai été pour mes enfants, et puisque ce n’était pas pour moi, je pouvais m’autoriser des petites lâchetés. En fait ça me faisait surtout plaisir. Je pouvais bien me passer de pain, de vin, de bouquins, mais pas d’une ville sans magasin.   Conditionnée j’étais, et conditionnée je resterai.  Mais aujourd’hui, je dois me contenter de ce qui me reste, remettre des vieux trucs  que je ne peux plus voir en peinture, attendre que mes semelles ressemblent à des crêpes, pour craquer…je vais faire un geste pour ma planète, aujourd’hui, je vais me supprimer de la dernière vente privée qui me reste, c’est juré !