• Adeline la citadine

    bac.jpegLa maman d’Adeline avait la folie des grandeurs mais aussi la bougeotte. Elle quitta la banlieue pour l’avenue de Wagram à Paris puis inscrivit Adeline au lycée Jean De La Fontaine dans le 16ème. Débarquant de ses années à forger ses jarrets sur son vélo, Adeline n’appréciait pas du tout d’avoir à prendre le métro et allait au lycée à pieds : un circuit de six kilomètres débutant par la place des Ternes pas si terne que ça avec son marché aux fleurs embaumant les petits matins et se terminant par la très belle avenue Mozart, bordée de magnifiques platanes et aux architectures de grande renommée, notamment celle de l’hôtel Guimard. Elle a beaucoup marché à travers Paris et peut maintenant prétendre bien connaître sa capitale. Elle arrive  donc en classe de troisième, dans les quartiers chics. Elle apprend à aller snober au café du coin, à faire les boutiques, à manger des gâteaux dans les salons de thé. Elle ne fait qu’un bref passage dans cet établissement, juste une année et avec succès. A l'issue de cette année prodigieuse, sa maman achète une maison près de la porte Gentilly dans le 14ème.

    Elle est grande, fière et majestueuse. Son teint gris pâle rehaussé d’un toit en ardoises lui donne des allures de grande Dame. Son hublot domine le parc Montsouris. Adeline adore cette maison rue de l’amiral Mouchez. C’est à nouveau un court passage d’une année mais que de souvenirs ! Adeline adore sa chambre « bateau », toute en bois et équipée comme une cabine, avec vue sur le parc. Nous sommes à la période des hippies. Adeline porte des vêtements verts mêlés de violet et des turbans. Changement de quartier, changement de lycée. Finies les balades à pieds à travers Paris, Adeline a maintenant une mobylette Honda P50. Elle prend un malin plaisir à longer le parc Montsouris, passer sous le métro « glacière », descendre le boulevard Raspail après avoir contourné le lion de la place Denfert Rochereau, pour enfin arriver rue Vavin, toute décoiffée.  Passé le restaurant chinois, le lycée se dresse là, tout en brique, ressemblant à une prison. Adeline se refait des copains/copines et hop ! C’est reparti pour un tour de rigolades. La joyeuse bande passe des heures à jouer au billard dans un café sur le boulevard Montparnasse. C’est la mode du mini. Mini jupes et m’as-tu vue, mini vélo. A Paris, on est forcément à la dernière mode et Adeline,  très fière d’être à la page, met son Honda au garage et fait de belles virées sur son mini. Elle fait aussi de sombres rencontres et sait désormais que la ville est dangereuse parfois.

    Lors de ses balades, Elle découvre avec bonheur le quartier latin, le pont de l’île de la Cité et Saint-Germain-des-Prés. Elle s’y rend de plus en plus souvent. Elle aime beaucoup se promener dans cette ambiance jeune et chaleureuse, encore inondée de baba cool, guitares et cheveux longs. Elle fréquente des personnages pour le moins insolites et petit à petit, abandonne le lycée pour l’aventure. Ses sœurs réussissant brillamment dans leurs études, la maison de l’amiral Mouchez commence à se vider. La maman d’Adeline monte une petite entreprise en SARL,  de conseil financier et juridique, et  loue un grand appartement de fonction place du marché St Honoré, près de l’Opéra. Nouveau quartier, nouvelle vie pour Adeline, entre secrétariat et tentative de vie « normale ». Les quatre secrétaires de sa maman l’intéressent bien plus que son année de terminale. Alors, elle passe des heures à les côtoyer, les observer, voire même les soulager dans leurs tâches. Elle se complait là dans un nouveau jeu, une vocation. Sa sœur aînée qui ne perd jamais le nord, en profite pour lui faire taper à la machine sa thèse sur Monet. Adeline se passionne pour ce peintre et se régale à faire ce travail. Elle s’identifie à l’image que l’on peut se faire – vu dans les films ! – du flic tapant son rapport avec un certain doigté… je veux dire un doigt - ou de l’écrivain sous sa lampe éclairant à peine un bureau juste à côté du lit, dans une pièce petite, sombre et sentant bon l’odeur de la pipe. De temps en temps, elle retourne au lycée, histoire de se tenir au courant du programme en vue du bac. Elle reprend ses marches à pieds à travers Paris. Sa nouvelle direction est surtout le quartier latin. C’est un réel bonheur de descendre l’avenue de l’Opéra, passer sous la vieille porte près des quais, longer le Louvre, traverser le pont menant à la rue du bac et déboucher sur Saint-Germain et son église, puis Saint-Michel et ses toujours hippies.

    Le quartier latin : de vieilles rues pavées, tout du moins ce qu’il en reste après mai 68 !, la fontaine Saint-Michel – lieu de rassemblement de tous les jeunes et moins jeunes -, le métro Saint-Michel où de nombreux artistes se sont essayés dans les années 69/70, les quais de seine, les petits restaurants cosys  de tous les pays et bistrots, l’odeur du cochon de lait cuit en vitrine et à la broche, les ambiances tamisées, les baba cool et tout le haut gratin fréquentant Saint-Germain-des-Prés. Adeline muse souvent le long des quais où moult chevelus grattent leurs guitares. Elle se fait des amis de la rue et qui vivent dans la rue et se met en quête de faire la manche avec eux. À s’insérer dans ces milieux – expérience des plus passionnantes – Adeline finit par laisser tomber ses révisions. À l’examen du Bac, elle préfère la rue du bac avec son cabaret Don Camilo - tout proche - et ses terrasses de café ainsi que cette maison où le peintre Jean-Baptiste Corot est né en 1796. Libérée des études, elle n’a plus aucune contrainte et ne passe plus des journées entières au quartier latin, non ! Elle y élit domicile. Adeline choisit donc de vivre de l’air du temps, près des guitaristes chevelus. Elle ne se rend même pas compte qu’à ne plus rentrer à la maison depuis si longtemps et n’ayant prévenu personne, elle est en fugue ! Un soir pas comme les autres, elle décide de poursuivre l’aventure en allant passer quelques jours au bord de la mer. La voici donc à l’entrée du périphérique, faisant de l’auto stop, direction la Manche. La Palice aurait approuvé cette décision ! Les bords de Manche quand on quémande dans la rue... Elle trouva sans problème une voiture qui se dirigeait sur Rouen. Ah ! Rouen était un point de chute idéal puisqu’une autre de ses sœurs logeait à l’université. Adeline, ne se sentant pas fugitive du tout, savait donc où elle allait passer la nuit. Après quelques jours à la cité U, elle continua sa route vers le nord, se remémorant cette journée merveilleuse  passée avec sa petite sœur à Brighton. Cela fit tilt dans sa tête et elle visa l’Angleterre. Avec ses trois ronds en poche, elle débarque sur le sol british et se dit que visiter Londres ne serait pas du superflu. Alors, rebelote : le pouce en l’air ! Mais du côté gauche, cette fois. Arrivée à Londres, il fallait bien manger et dormir. Pas de soucis, elle tente la manche outre-manche. Alors là ! Dur, dur de faire trois pennies. Au hasard des rencontres, elle passe une soirée avec un irlandais qui lui  fauche sa belle montre en argent qu’un pote de Paris lui avait offert. De rage, elle se rend au commissariat le plus proche. Commissariat comme dans les films ! Attente sur une chaise dans un long couloir morose où un inspecteur fait les cents pas. Bureau du commissaire fumant sa pipe et chapeauté melon. Adeline pose plainte et subit un interrogatoire digne de la PJ. Coups de téléphone, attente. Elle ne comprend pas très bien pourquoi on la fait patienter si longtemps. Soudain elle pige qu’ils mènent l’enquête – non sur la montre – mais sur elle et qu’au bout du fil, c’est sa mère.

    Deux aimables policiers la conduisent au bateau et hop ! Retour aux pénates. Voyage aux frais de la Princesse jusqu’à la frontière puis à nouveau le pouce en l’air pour rentrer à Paris, sa chère capitale aux sons et lumières.

    On revient toujours aux sources. 

     

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  • Commentaires

    1
    HAUTEMAISON
    Jeudi 13 Mars 2014 à 12:00
    Coucou Arielle, Bonsoir Arielle ! Quelle aventure ! Cela m'a rappelé mes années de travail à Paris, où j'arpentais bon nombre de quartiers. J'ai adoré cette période et, au travail, c'était encore l'époque de l'entreprise familiale, un climat qui n'a rien à voir avec maintenant ! Et plus tôt, pour moi c'était un solex qui me promenait en banlieue parisienne ! J'ai même pris des bûches redoutables ! C'était une époque d'insouciance, mais, évidemment, moins confortable pour les parents hihihi ! Un peu dangereux quand même cette équipée ! Je vois que la pasion de l'écriture t'habite toujours et j'espère que tout va bien pour toi et les tiens. Gros bisous. Coryphee
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