• Une pochade à la manière de Lucco

    Petit hommage que Jean Gennaro rend à Luc Hazebrouck (Clic sur Luc mais en douceur !)

    Lettre de Janot à son cousin Lucco 
    Cergy, le 14 juin 2008

     

     

    Mon cher Lucco,

      

    Il faut que je te raconte la dernière qui m’est arrivée.

    Je viens de m’apercevoir qu’une femme vivait chez moi à mon insu.femme_ideal-131.jpg

    Comment cela est-il possible ? Eh bien je me le demande encore.

    Figure-toi que cette fille profitait clandestinement de ma maison depuis six bons mois. Elle s’était fait un nid dans le vide sanitaire de ma maison – sous la terrasse, pour être plus précis. Malin, n’est-ce pas ? Le meilleur moyen de passer inaperçu n’est-il pas d’occuper un vide ?

    Dès que je l’ai découverte j’ai prévenu les autorités. Lesquelles, en venant arrêter ce parasite par ailleurs non dénué de charme, se sont dites surprises de mon ignorance totale quant à la présence de cette femme dans mes pénates. Un étonnement bien légitime, je le reconnais.

    Je leur ai expliqué que mon métier exigeait de fréquents déplacements et que j’étais tout compte fait plus souvent à l’extérieur que chez moi. 

    Moi-même, j’en reste sidéré. Elle s’est glissée dans ma vie avec la légèreté et le tact d’un chat.

    Ces derniers temps, j’avais bien remarqué que les victuailles dans mon frigo diminuaient à vue d’œil. Mais j’avais mis ça sur le compte de mon somnambulisme récurrent. Je me levais parce que j’avais faim, et je continuais à dormir tout en me tapant la cloche, voilà l’explication. 

    Et c’est pourquoi je continuais à prendre du poids en dépit d’un régime strict.

    Cette double vie nocturne était la conséquence de ma trop grande solitude.

    Pareillement, j’avais noté non sans inquiétude que mes shampoings, savons et autres produits de toilette s’usaient à une vitesse surprenante,

    et que mes serviettes de bain avaient tendance à passer sans transition du placard au bac à linge. Par contre, pour cela je n’avais pas d’explications. Les cas de somnambulisme laveur sont rarissimes, et tous les matins je me serais réveillé propre comme un sou neuf, or j’étais toujours dans l’obligation de me laver.

    Là, j’ai commencé à me poser des questions.

     

    Elle était très propre et rangée, de ce côté-là je n’ai pas à me plaindre. Même ma femme de ménage n’y a vu que du feu. Maintenant que j’y pense, je comprends pourquoi elle me regardait de travers. Elle avait repéré la femme chez moi, elle. Mais elle est restée muette sur le sujet, pensant sans doute que j’appréciais sa discrétion.

     

    C’est le parfum que cette femme, dans un moment de relâchement, s’est mise à utiliser qui m’a mis la puce à la narine, si je puis dire.

    Ces derniers temps, mon entrée dans la salle de bain était accueillie par des effluves de n°5. Et comme je ne pouvais pas croire que je me levais la nuit pour me parfumer, surtout avec le parfum de ma mère – j’en avais toujours un flacon pour les fois où elle dormait à la maison -, là je me suis dit que je n’étais peut-être pas si seul, au fond.

    J’avoue que cette pensée m’émoustilla quelque peu, avant de me remplir d’effroi.

    Et dire que ma mère trouve que ça manque de femmes chez moi…

    Il faudra bien que je lui dise la vérité avant qu’une bonne âme la mette au courant. Ca, elle ne me le pardonnerait jamais.

    C’est sûr, quand ta tante apprendra que j’ai vécu avec une femme sans le savoir, et que de surcroît elle lui piquait son Chanel n°5, la pauvre femme va avoir une attaque !

     

    C’est la coquetterie qui a perdu ma squatteuse. La coquetterie et la familiarité. Elle commençait à en prendre à son aise, elle se croyait chez elle, elle n’était plus gênée.

    Je l’ai suivie à la trace, si je puis dire, jouant les somnambules pour la tromper et la surprendre. J’ai endormi sa méfiance. Et une belle nuit, la sentant dans mon dos, je l’ai surprise et confondue.

    C’était une squatteuse assez jolie, quoique abîmée par la vie. Je n’ai pas porté plainte contre elle. Je regrette de ne pas lui avoir demandé si elle avait apprécié ma maison.

    Quelle ironie, avec le recul, vois-tu. La seule femme avec qui j’ai réussi à vivre, je ne l’ai même pas connue !

    Parfois, un regret m’étreint en pensant à elle. J’ai le sentiment qu’on se serait bien entendus, tous les deux.

     

     

    Ton humble disciple et dévoué cousin,

    Janot

    « Préserver la natureFévrier 2001 : c’était son anniversaire comme tous les ans : le 2. »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 17 Juillet 2008 à 12:00
    Ton histoire me rappelle un film que j'ai vu il y a logtemps au cinéma avec une personne qui s'apercevait au fil du temps qu'une autre femme prenait petit à petit possession de son appartement. J'ai beaucoup apprécié l'aventure de cette squatteuse.BisesSantounette
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