J’ai vu les grandes nefs, face au soleil couchant,
Se mettre sur le flanc et sombrer lentement,
Emportant en leurs seins ces vieux rêves d’enfants
Qui dorment à jamais au fond des océans.
J’ai approché les tours qui dominent la plaine,
Où les vents de l’enfer déchargent leur haleine,
Et sur ces murs d’acier qui suintent tant de haine,
J’ai gravé de mon sang le recueil de mes peines.
J’ai suivi des chemins par nul homme tracés,
Longeant les nécropoles maintenant oubliées
Et dans ces tombeaux noirs que le temps a violé,
Pour échapper aux vents je me suis allongé.
J’ai croisé des regards animés par la haine
Qui me fixaient la nuit, quand la lune était pleine
Et ces visages crispés dans leurs prières vaines,
Imploraient le salut des déesses païennes.
J’ai combattu les Dieux des sanctuaires dorés,
Quand des larmes de sang de leurs yeux s’échappaient
Et jeté l’anathème sur leurs royaumes secrets
Pour libérer mon âme à jamais enchaînée.
J’ai vu des ombres floues, lentement qui marchaient
Sur les parvis de marbre des anciennes cités,
Murmurant leur rancœur d’avoir un jour été
Les jouets des grands rois qu’elles avaient couronnés.
Où sont les rêves fous des poètes interdits
Pour lesquels j’ai hurlé sur les landes brunies ?
Pour engloutir le temps j’aurai donné ma vie,
Croyant avoir acquis un peu de leur folie.
Dabat.D.1989