• Adeline et ses vieilles guimbardes

    Adeline et ses vieilles guimbardesVroom-Vroom… Comment ne pas aimer les voitures lorsque son papa possède une auto-école ? Adeline est au volant de son coupé rouge et joue avec les pédales. Ö bien sûr, elle n’avance pas beaucoup, enlisée dans le bac à sable de la voisine mais dans sa tête d’enfant, elle en voit défiler des paysages ! Elle aime beaucoup quand son père innove de nouveaux modèles. Sa plus grande joie fut de rester fièrement sur le marchepied de la toute dernière Traction noire, cheveux au vent, après avoir tourné quelques tours de manivelle afin de démarrer. C’était bien pratique la manivelle, au moins on était sûr de ne pas rester en rade. Elle se souvient aussi de la Dauphine avec son moteur à l’arrière. Pour partir en balade, il fallait équilibrer l’engin, mettre une barre de fer à l’avant sinon il n’y avait aucune tenue de route. Son père était un sacré pilote et Adeline l’admirait. Et que dire de la fameuse Panhard dernier cri, bleu-turquoise et qui passait dignement dans le quartier ? Quel bonheur toutes ces voitures de son enfance ! Oui, Adeline aime conduire et pourtant qu’est-ce qu’elle était malade durant les trajets ! Il fallait s’arrêter toutes les dix minutes et elle se vidait de tout son saoul jusqu’à ce que la bile bien verte lui torde les tripes. Ses parents ont tout essayé : le persil, la menthe, la lanière accrochée à l’arrière, la nautamine, rien n’y faisait. La route la mettait dans tous ses états mais sans aucun état d’âme. Autrement dit, elle se purgeait en voiture et montait toujours à bord avec joie.

    Le top du top fut la petite Fiat 500, le pot à yaourt comme on l’appelait et qui était d’une contenance à toutes épreuves. Sept ! Ils étaient sept dans le pot tout bleu ciel : les cinq enfants à l’arrière et les parents à l’avant. Contenance à toute épreuves certes mais le moteur n’était pas fait pour tracter une si lourde charge, surtout dans la côte de Charenton. Il fallut faire descendre les enfants à mi-parcours et pousser la p’tiote jusqu’en haut… Rude épopée pour le souffle mais rires garantis. Adeline s’amusait bien avec les péripéties de son papa. Ce qu’elle adorait par-dessus tout, c’était quand il l’emmenait à l’école avec ses sœurs, dans le side-car. Quelle arrivée triomphale ! Ses copines étaient ébahies et Adeline frimait mais ses sœurs sortaient du bolide plutôt en catimini. Elles avaient un peu honte de ces extravagances aux portes de l’éducation nationale.

    Sa maman aussi conduisait bien et se régalait au volant. Ses parents étaient tous les deux des « casse-cou ». Lui s’éclatait avec ses avions et il en est mort, Elle s’éclatait avec sa mini Austin et elle en est morte six ans après. Adeline les admirait. Sa maman était toujours en retard à ses rendez-vous d’affaire mais elle avait trouvé le truc ! Pour biaiser les embouteillages de Paris, elle fit l’acquisition de cette fameuse mini Austin beige et noire, autrement dit une voiture passe partout. Mais cela ne suffisait pas à réduire ses retards. Alors elle roulait, je vous le donne en mille… sur les trottoirs. Elle prenait un malin plaisir à slalomer entre les platanes. Adeline l’accompagnait souvent dans ses déplacements. C’était un jeu malgré les longues heures où elle devait attendre dans la mini. Quand elle partait en province, elle l’emmenait aussi puisqu’elle était là à glander à la maison. Ainsi, elle était sûre qu’elle ne faisait pas de bêtises. Et puis Adeline aimait ça ! Sa maman lui a fait découvrir une bonne partie de la France et principalement la Sologne où elles avaient été invitées à une journée de chasse avec dégustation du gibier cuit au feu de bois le soir et le Nord de la France avec ses repas gastronomiques bien arrosés. Elles ne fréquentaient que du beau monde, celui qui est toujours muni d’un flash de liqueur digestive dans la poche pour pouvoir supporter les orgies de bouffe ! De temps en temps, sa maman lui laissait le volant car elle venait de l’inscrire dans une auto-école. Elle avait dix-huit ans mais à cette époque, la majorité était à vingt-et-un ans. Il fallait donc l’autorisation des parents. C’est vrai que la mini était un jouet ! Une nuit, un sanglier vint se mettre en travers de la route près de Maubeuge. La voiture a été défoncée… le sanglier s’est sauvé comme un lapin ! C’est coriace ces bêtes là et mère et fille avaient frôlé l’accident par la force du choc : plus de radiateur à l’avant de la mini et plus d’avant non plus d’ailleurs ! Elles étaient mal mais avec sa maman comme avec son papa, il n’y avait pas de problème, seulement des solutions. La mini fut réparée et la maman d’Adeline continua ses périples. Elle travaillait beaucoup avec les gens du nord. Elle avait un client à Douai et devait s’y rendre pour le 1er mai 1972. Comme d’habitude, elle proposa à Adeline de l’accompagner mais cette fois ci, elle déclina l’invitation sans aucune raison valable. Elle n’avait pas envie d’y aller, c’est tout et elle ne savait pas pourquoi. Sa maman proposa donc la même chose à une autre de ses filles qui était disponible ce jour-là. Cette dernière déclina aussi l’invitation et ne savait pas non plus pourquoi. Dans l’après-midi, la réponse arriva : coup de fil à la maison, accident sur la route de Douai. Troublant non ? Il fallait donc qu’elle soit seule et le destin s’était chargé de tout organiser. Il y a des moments dans la vie où il ne faut pas forcer le destin ! L’accident est arrivé bêtement. Une petite route au croisement d’une départementale, des blés non fauchés gênant la visibilité, la maman d’Adeline est obligée de s’avancer pour voir si la voie est libre et malheureusement une voiture arrive à 180 km/heure ! Trop tard : la mini partit en vrille. Elle n’avait pas sa ceinture et fut éjectée. Transportée à l’hôpital de Lille dans un état très grave, elle décéda après vingt-trois jours en soins intensifs. Elle était consciente de son état et à cause de la trachéotomie, demanda à Adeline de s’approcher pour bien entendre ce qu’elle avait à lui dire. « Je vais mourir » - « Mais non, maman ! Ne dis pas de bêtises » - « Si. J’ai entendu les infirmières dire qu’elles préparaient le drap blanc ». Adeline était enceinte de quelques jours et abandonnée de son ami. Elle venait de réussir son permis de conduire. Sa mère disait qu’à Paris, on se gare « à l’oreille » : un coup devant, un coup derrière et le tour est joué ! Dans la famille, elles ne savent pas gérer les embouteillages, quelle horreur ! Mais tout le monde sait bien qu’en région parisienne, on est à l’heure… à un quart d’heure près.

     

    Adeline prit donc le relais, fraichement munie de son papier rose « le permis B » comme bonnard, dans la voiture que sa maman avait achetée pour une autre de ses sœurs avant qu’elle ne parte vivre au Mexique. Elle n’en profita pas bien longtemps car elle était en vente et fut vite achetée. Adeline avait fait la connaissance de Julien qui lui sauva la mise durant toute sa grossesse. Il décida de l’emmener en week-end chez des amis au nord de la Bretagne. Lui n’avait pas son permis, c’est donc Adeline qui se mit au volant d’une voiture bien populaire, la Volkswagen, qu’on leur avait prêtée. Oui mais bon ! Elle savait à peine conduire et cette voiture lui semblait bien étrange. Les pédales étaient hautes et Adeline était bien basse sur son siège, vu son mètre et ses cinquante-trois centimètres. Ils partirent de nuit, le brouillard avançait au rythme de la voiture du peuple et l’arrivée chez les celtes fut bien hasardeuse mais Adeline avait de qui tenir et mena sa barque comme un chef.

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 29 Novembre 2014 à 18:32

    Bonjour Arielle. Je garde le lien avec le PDF et je viens lire ta nouvelle dès que j'ai un peu de temps. Nous sommes en plein travaux (installation d'un dressing). Bisous et bon dimanche.

    2
    Samedi 29 Novembre 2014 à 19:12

    Hello Arielle

    Je suis beaucoup plus moto ... Les voitures , il faut que je regarde les logos pour pouvoir les reconnaitre  !

    bizza et bon dimanche

    pat

    3
    Samedi 29 Novembre 2014 à 19:12

    une passionnée de voiture mas l'accident est tjs imprévisible et que c'est dur de perdre qq comme cela mais la vie continue et elle a bien fait de reprendre tout de même le volant sans la peur

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    4
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 18:23

    une très belle histoire….

    5
    Lundi 1er Décembre 2014 à 01:26
    Tu as le don d'écrire de jolies histoires mélange d'humour, de gaieté et tristesse ..la vie en quelque sorte!
    6
    Lundi 1er Décembre 2014 à 01:27
    Tu as le don d'écrire de jolies histoires mélange d'humour, de gaieté et tristesse ..la vie en quelque sorte!
    7
    Lundi 1er Décembre 2014 à 01:39
    Tu as le don de nous faire vivre de jolies histoires : mélange d'humour, de gaieté, de tristesse aussi. La vie en quelque sorte.
    8
    Lundi 1er Décembre 2014 à 01:39
    Ouh la mon commentaire est devenu pluriel..miracle du tel portable
    9
    Simone L.V.
    Lundi 1er Décembre 2014 à 13:38

    Un texte fort alerte dont le début m'a mis en appétit! je viens de le télécharger dans ton dossier pour le savourer tranquillement ce soir ...un bien bon dessert en perspective!Bonne semaine et bises; Simonesarcastic

    10
    Lundi 1er Décembre 2014 à 18:42

    Un texte à lire et relire pour le savourer dans le temps!

    11
    Lundi 1er Décembre 2014 à 19:04

    Bonsoir, votre histoire est magnifique, j'ai beaucoup aimée, bonne soirée !

    12
    Lundi 1er Décembre 2014 à 19:13

    Souvenirs... J'ai évidemment toujours en tête cette vie faite de drames, de tumultes, et où toujours vaillante, Adeline n'a jamais baissé les bras.. Bonne soirée A..rielle

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